Franck L’histoire regorge d’exemples de nouvelles sociétés s’imposant aux anciennes, notamment les Wisigoths, les Romains, les musulmans et les chrétiens. En Andalousie, il y a eu des Maures construisant des mosquées sur des fondations wisigoths, des catholiques profitant d’une mosquée pour construire leur cathédrale, symbole d’un ordre nouveau, des palais maures des mille et une nuits qui, après la Reconquête, ont servi de résidence à la royauté chrétienne. Là, ceux qui ont conquis, devant la magnificence de ce qu’ils ont vu, ont gardé le patrimoine qu’ils avaient trouvé, l’ont assumé comme tel et, dans un exemple rare, heureux et noble d’intelligence, ont reconnu que le trésor était plus grand que l’humanité elle-même et que la valeur de leurs conquêtes.
A la découverte de Cordoue
Lors d’un voyage en Andalousie, notamment dans le triangle d’or, Grenade, Séville et Cordoue, le visiteur sera en permanence surpris par des attractions nouvelles et successives : l’impressionnante architecture mauresque, les tapas, les vins, le jerez, les tavernes, le flamenco passionné et passionnant, la beauté naturelle, les montagnes accidentées, les vues magnifiques, le charme discret des villages blancs, la position curieuse des villes véritablement incrustées dans les rochers des falaises, la splendeur des palais et des mosquées, ainsi que la délicieuse cuisine.
Il ne fait aucun doute que, même avec un patrimoine aussi vaste, c’est la splendeur de l’héritage maure, grandiose et imposant, qui fait de l’Andalousie un monde à part. Sur la planète et en Espagne. Tout est presque inchangé depuis des siècles. Dans ce contexte, Cordoue, ancienne capitale d’Al-Andalus, était l’une des villes les plus importantes d’Europe, avec un million d’habitants, 200 000 maisons, 600 mosquées, des bains publics, des écoles et des bibliothèques, des rues éclairées et des champs desservis par un réseau de canaux.
Dans la vieille ville, pendant la durée de la domination arabe, musulmans, juifs et chrétiens wisigoths ont vécu en harmonie, produisant certains des moments les plus précieux de l’histoire humaine.
Varié et extrêmement bien conservé, le corpus d’œuvres est si spectaculaire, l’influence de l’art mauresque si superbe qu’il semble parfois irréel. Cordoue possède peut-être la plus grande icône de ce patrimoine, la Grande Mosquée. La petite ville est une destination idéale pour ceux qui viennent de Séville et suivent un itinéraire dans le sud de l’Espagne.
Il suffit de se promener dans la vieille ville pour se rendre compte que Cordoue est l’un des meilleurs endroits de la région pour comprendre la véritable dimension de la domination musulmane en Espagne, ainsi que son essor et sa chute. La ville est peut-être l’une de celles qui conduisent le mieux l’esprit du visiteur à des réflexions romantiques et poétiques, deux finalités si communes à l’Andalousie. Mais aussi à quel point cette période de sophistication culturelle inhabituelle était spectaculaire. Si grandiose que seuls Constantinople, Damas et Bagdad rivalisaient avec Al-Andalus.
La Cordoue du XXIe siècle est toujours aussi brillante que celle du Xe siècle, lorsqu’elle était sous la domination du califat d’Al-Hakan II, le souverain le plus éminent de la période al-Andalouse. C’est pourquoi la ville mérite une journée qui lui soit consacrée. Et bien que peu de gens y consacrent une nuit, je le recommande vivement. La ville est petite, seulement 350 000 habitants, et d’un point de vue touristique, elle est encore plus petite. Presque tous ceux qui planifient un voyage en Andalousie écourtent la nuit qui serait consacrée à Cordoue, certains par manque de temps, d’autres parce qu’ils ne savent pas combien il est agréable d’y passer une nuit, puis de reprendre la route tôt le lendemain matin.
La solution consiste donc à quitter Séville tôt pour Cordoue, à parcourir en voiture ou en train les 143 kilomètres qui les séparent, et à disposer du plus de temps possible pour la visiter. Nous sommes allés de Séville à Cordoue en voiture. Nous sommes revenus le même jour. La journée a été parfaite et nous a permis de faire connaissance avec la petite ville, de prendre un excellent déjeuner, de flâner dans les rues du quartier juif et de rentrer le soir avec un bagage culturel encore plus rempli. Un jour suffit, mais le désir d’en avoir plus demeure.
La mosquée de Cordoue, une visite incontournable
À la marge du Rio Guadalquivir, une carte, un guide touristique, un peu de volonté et des chaussures confortables nous ont conduits directement à Puente Romano , l’entrée du Casco Antiguo – comme on appelle le centre historique de la ville. Près de là, nous étions impatients de visiter la mosquée de Cordoue, l’un des héritages les plus impressionnants d’al-Andaluz, un exemple d’architecture et aussi une belle et intelligente démonstration de respect et de reconnaissance des rois Ferdinand et Isabelle de Castille, qui, lors de la reconquête du sud de l’Espagne sur les Maures, ont conservé intact le fabuleux patrimoine architectural exprimé dans les innombrables mosquées, palais et tout le reste.
L’intérieur est à couper le souffle : une « forêt » de colonnes corinthiennes soutenant des arcs en fer à cheval en brique rouge et blanche, en marbre et en granit, 19 nephi soutenus par des centaines de colonnes, des arcs en brique, des pierres rouges et blanches, un éclairage naturel paradisiaque, le tout donnant un effet saisissant. Au centre de cette « forêt » de piliers se dresse – d’abord discrètement, puis de manière imposante – la magnifique cathédrale gothique aux arcs gigantesques qui dépassent de loin le toit original de la mosquée, s’en détachant et marquant le nouvel ordre religieux.
L’observateur attentif remarquera une évolution architecturale et stylistique variée. Il constatera qu’elle va de l’hispano-musulman au gréco-romain, de la Renaissance au baroque. La raison en est les deux siècles d’ajouts et de modifications effectués depuis Abderrahman Ier en 785, en passant par Abderrahman II en 848 – qui a ordonné la construction d’un nouveau minaret -, Al-Hakam II, qui a agrandi la mosquée en 961 et décoré son splendide mihrab, et enfin Almanzor, qui a réalisé un nouvel agrandissement. Plus tard, lors de la Reconquista, les chrétiens y ont ajouté un chef-d’œuvre d’architecture et d’ornementation, la cathédrale chrétienne, peut-être la plus incroyable intégration de styles aussi différents dans une harmonie aussi exemplaire.
Outre les mosaïques byzantines, les stucs, les peintures et les motifs arabes, dans la partie centrale de la mosquée, la Grande chapelle et la Chapelle royale ont été construites dès que les chrétiens ont repris Cordoue aux musulmans. Les travaux de la cathédrale ont donné lieu à un contraste de styles saisissant, faisant de la mosquée-cathédrale l’un des temples les plus impressionnants de la planète. Aucun extérieur ou cour de Los Naranjos est un lieu paisible où se faisaient autrefois les ablutions, aujourd’hui où l’on peut le mieux voir les contrastes entre les différentes architectures, et où cloîtres et orangers se mêlent aux thèmes musulmans.
Visite de la Judéria
Cordoue possède un vieux quartier juif composé d’un réseau de ruelles étroites et pleines d’atmosphère, beaucoup moins fréquenté que son homologue de Séville et avec beaucoup moins de boutiques commerciales. Les Juifs se sont installés à Cordoue bien avant la domination arabe, mais c’est à cette époque, après le VIIIe siècle, que la culture juive s’est épanouie. Il s’agit de Hasfai Ibn Shaprut, un médecin, diplomate et érudit juif, qui, tout en respectant les règles des Maures, a réussi à se développer et à amasser pouvoir et richesse, attirant une communauté juive dynamique à Cordoue.
Maïmonide s’est également distingué à Cordoue en Judée comme l’un des plus célèbres philosophes juifs. Il est l’auteur du Mishneh Torah, droit de Cordoue en 1125. Sa statue se dresse sur la place de Tibériade en Judée. La statue de ce rabbin représente toute la culture et la sagesse juives. La porte d’entrée, La Puerta de Almodavar, comporte également une statue de Sénèque, mais l’attraction principale de la Juderia est l’ancienne synagogue de Cordoue sur la Calle de los Judios.
Si vous le pouvez, visitez le musée municipal Taurino sur la place Maimonides, au cœur de la Juderia, où se trouve également l’hôtel NH Amistad, peut-être la meilleure option d’hébergement de la ville, soit parce qu’il se trouve à l’intérieur de la Juderia, soit en raison de l’atmosphère délicieuse de séjourner dans un bâtiment historique qui abrite un hôtel moderne et confortable.
Le quartier se caractérise également par les cours intérieures des maisons. Derrière le musée se trouve une place où se trouvait autrefois le souk musulman, ou Zoco, un endroit agréable qui mérite une promenade et un coup d’œil aux petites boutiques où les artisans vendent des céramiques, du cuir, du bois et des filigranes en or et en argent.
La mosquée de Cordoue fera probablement partie des souvenirs les plus remarquables et les plus inoubliables que les touristes emporteront de leur voyage en Andalousie. Et ce n’est pas pour rien. Ce temple islamique grandiose, qui abrite aujourd’hui une cathédrale dans une partie de son intérieur, commandé par l’émir Abderrahman Ier en 785, est un monument architectural d’une beauté inégalée.
Alcazar des rois chrétiens de Cordoue
Au sud de la mosquée, sur la rive du fleuve, l’Alcázar de los Reyes Cristianos était le palais des monarques chrétiens, une forteresse médiévale avec des tours et des murs, des jardins et des fontaines. L’Alcázar a été construit par Alfonso XI en 1328. Ferdinand et Isabelle l’ont occupé pendant huit ans au XVe siècle, préparant la reconquête de Grenade, dernier bastion des Maures en Espagne. C’est ici que la reine Isabella a entendu Christophe Colomb parler de son voyage vers les Amériques.
L’Alcazar a une forme carrée remarquable, des murs puissants et trois tours portant les noms de Tour des Lions, Tour de la Fidélité et Tour du Fleuve. Dans la Tour des Lions, les plafonds sont décorés de façon exquise et présentent certains des exemples les plus remarquables d’architecture gothique en Andalousie. Le château est également orné de mosaïques romaines, possède des arcophages des 2e et 3e siècles et des salles de bain mauresques.
